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lundi 15 août 2011

Chapitre 6 : Une rencontre

                                                               Les quatre cavaliers s'enfoncèrent dans la forêt, suivant une voie empierrée suffisamment large pour un passage de charrette. De gros nuages blancs voilaient le soleil, rendant le sous-bois plus sombre et plus mystérieux. Guilhem savait que cette route les mènerait jusqu'au bourg de Crest, où il comptait bien se faire héberger par le seigneur des lieux. Là, il aurait rejoint la Drôme et pousserait vers l'ouest jusqu'au Rhône, puis traverserait le fleuve pour rallier le Vivarais. Sa connaissance des grandes maisons leur assurerait le gîte et le couvert tout au long du voyage. L'Ours, Gahériet et Mordrain le suivaient en toute confiance. Pour eux, leur rôle se limitait à assurer sa sécurité. Seul Gahériet lui avait prêté allégeance. Les deux autres étaient ordinairement attachés à Eudes, ils étaient comme son ombre, attentifs et prêts à répondre au moindre souhait de leur maître. Mais le challenge de Guilhem leur avait plu d'emblée. Partir en nombre restreint sur les routes de France, mener la grande vie aux étapes, ça les changeait nettement des campements improvisés et des chevauchées braillardes et poussiéreuses, au milieu d'une bonne centaine de leurs compatriotes, que le seigneur Eudes leur avait offert jusque-là.

Une bonne demi-heure s'était écoulée sous le couvert des arbres lorsque Guilhem arrêta son cheval et mit pied à terre. L'attachant à un tronc, il fit quelques pas dans la futaie pour aller se soulager, suivi aussitôt par ses trois hommes. Leur urine fumante se répandit sur l'humus sombre. Depuis longtemps déjà, les trois chevaliers avaient réglé leur vessie sur celle de leur suzerain. Lorsque ce fut fait, ils allèrent récupérer leurs montures respectives. Mordrain, prêt à mettre le pied à l'étrier, se ravisa soudain et, tendant l'oreille, attira l'attention des trois autres : « Vous avez entendu ? »
_ « Quoi donc ? » s'étonna Gahériet. « On dirait des cris. » Effectivement, par-delà le léger murmure des feuillages, ils crurent percevoir, lointain, quelque chose qui pouvait s'apparenter à des hurlements. « Cela ressemble à des cris de femme », précisa Guilhem. Alors, sans attendre d'en savoir plus à ce sujet, ils enfourchèrent leurs montures de concert et se dirigèrent à l'oreille vers les clameurs qu'ils avaient perçues. Celles-ci se firent de plus en plus précises au fur et à mesure de leur avancée. Pour eux, il n'y avait plus de doute, c'était bien une femme qui hurlait comme cela. Il semblait que les cris provenaient du sous-bois sur leur droite. Ils y pénétrèrent, se couchant sur les encolures pour éviter les branches qu'ils ne manquaient pas de rencontrer sur leur passage. Le bruit redoubla en intensité. Ils passèrent au large d'un chêne plusieurs fois centenaire, et derrière celui-ci se cachait une petite clairière. Guilhem fut le premier à comprendre de quoi il s'agissait. La vue de la femme, maintenue par deux hommes, troussée et les jambes écartées, tandis qu'un troisième la fouraillait, lui rappela soudain les viols dont il avait parfois été témoin en terre sainte. Mais là, on était sur la terre de France. C'était pour lui encore plus insupportable. Les trois scélérats l'aperçurent et, le temps qu'il les atteigne, ils avaient déjà décampé dans les fourrés, laissant leur victime à terre, couchée dans l'herbe telle un animal blessé. Guilhem sauta à bas de son cheval et s'approcha doucement de la femme. Ses cuisses étaient couvertes de sang. Il s'agenouilla près d'elle, dénoua sa cape et recouvrit de celle-ci son corps meurtri, avec des gestes lents. Elle était jeune encore, surement belle, avec ses longs cheveux noirs défaits. Mais Guilhem ne vit d'abord que ses yeux. C'était les yeux de l'épouvante la plus totale. Leurs pupilles étaient si dilatées par la peur qu'il pouvait presque se voir dedans. Le miroir de l'effroi. C'est ce qu'il ressentit en cet instant. Il avança une main vers elle, dans l'intention de repousser une mèche de cheveux qui cachait en partie son visage. Elle eut un geste brusque de recul. « Exactement comme un animal sauvage », pensa-t-il. Il lui faisait peur. « Tout doux, fit-il posément. Je ne te ferai aucun mal. Tes agresseurs sont partis maintenant. Tu n'as plus rien à craindre d'eux. » Derrière lui, les trois chevaliers avaient laissé leurs montures. Ils s'étaient enfoncés à pied au cœur des broussailles. Il entendit leurs pas fouler l'herbe, écrasant des brindilles sèches qui jonchaient le sol. Ils pouvaient faire ce qu'ils voulaient, il n'en avait cure. Seule la femme comptait pour lui en ce moment. Il continua à lui parler, choisissant ses mots, puis les murmurant, veillant à l'effaroucher le moins possible. Elle lui faisait penser à ce chevreuil qu'il avait trouvé piégé dans les bois autour de Fiercastel lorsqu'il était encore adolescent. Le même regard, les mêmes soubresauts. Il lui faudrait de la patience pour conquérir sa confiance. Il perçut comme dans un rêve de nouveaux hurlements, ceux d'un homme cette fois. Dieu seul savait ce que ses compagnons d'armes étaient en train de fabriquer, à quelques mètres de là. Il parvint enfin à effleurer la main de la femme. La douceur de sa voix et des propos tenus lui avaient fait comprendre qu'il était de son côté. Mais il y avait toujours cette lueur de panique dans ses yeux noirs.

Les minutes passèrent, et il était encore agenouillé auprès d'elle lorsque ses trois vassaux déboulèrent des buissons alentour. Lisant dans le regard de la femme un regain de frayeur, il lui serra la main un peu plus fort, tout en lui disant : « N'aie pas peur d'eux. Ils sont avec moi. Ils ne te toucheront pas. » Par dessus son épaule, il jeta un coup d'oeil à ses hommes. Il était certain que, vu leur allure présente, ils n'avaient rien de rassurant. Leurs mains étaient couvertes de sang. L'Ours essuyait son coutelas encore rougi dans l'herbe d'un vert intense. Le Balafré prit le premier la parole : « Nous les avons tué tous les trois, Guilhem. Ainsi ils ne pourront plus faire de mal à personne. » Mordrain, un sourire carnassier sur les lèvres, ajouta à sa suite : « Même en enfer, ils ne pourront plus copuler. Nous avons fait ce qu'il faut pour ça. » Guilhem crut bon de rassurer à nouveau la victime : «  Tu les entends ? Tu n'as absolument plus rien à craindre d'eux. Tout ça, c'est fini désormais. » L'ours derrière lui examina son arme, tournant la lame pour vérifier si elle avait retrouvé son éclat initial. Satisfait, il la remit à sa ceinture : « Bon, que faisons-nous maintenant ? » demanda-t-il. Guilhem dirigea vers lui son regard d'un bleu pastel : « Nous emmenons la femme jusqu'au prochain village. Là, je trouverai bien quelque guérisseuse pour s'occuper d'elle. Elle a besoin avant tout de soins et de réconfort. » Disant cela, il la souleva avec aisance et légèreté, ses yeux plongés dans les siens, attentif à la moindre de ses réactions. Elle était si aérienne et si fluette qu'il avait l'impression de tenir un oiseau au creux de ses bras. Faisant quelques pas en direction de leurs montures, il s'adressa à Gahériet : « Ote la selle de mon cheval. » Le Balafré s'exécuta aussitôt, et Guilhem, avec d'infinies précautions, la plaça en amazone sur le dos de l'animal, avant de l'enfourcher lui-même derrière elle, aidé de son vassal. Puis ils partirent en direction de la route qu'ils venaient de quitter quelques instants plus tôt.

Arrivés dans le village ou quelques dizaines de maisons de pierres et de chaume se regroupaient autour d'une place dallée, ils furent accueillis par celui qui dirigeait incontestablement cette communauté de paysans libres, un petit homme mur aux tempes argentées, au regard franc dans un visage sans grâce mais respirant l'honnêteté. Il s'appelait Balain, et était à la tête du village de Neubourg, sur un emplacement défriché depuis peu. Il les avait reçus en toute simplicité, avait trouvé de quoi aliter la femme violée, s'était empressé d'envoyer à son chevet une vieille experte en baumes et potions de toutes sortes, et leur avaient offert son modeste gîte pour le temps qu'ils jugeraient bon de rester. Les trois chevaliers, une fois leurs montures pansées, abreuvées et dûment nourries, attendaient devant l'une des masures que leur seigneur, au chevet de sa protégée, réapparaisse enfin. Aucun d'entre eux ne tenait à rester plus de quelques heures dans cette pauvre bourgade. Ils désiraient rejoindre Crest rapidement, et le confort que cette noble place forte leur donnait à espérer. Guilhem ne tarda pas à revenir. Il tint à les informer immédiatement de sa décision : «  Nous resterons ici pour la nuit, et probablement aussi les jours suivants, jusqu'à ce qu'elle soit complètement guérie. 
_ Mais, protesta l'Ours, ne devions-nous pas la déposer au premier village rencontré, pour ensuite reprendre notre route une fois qu'elle serait hors de danger et confiée à la garde des vilains ?
_ Certes non, précisa Guilhem. Je me considère désormais comme responsable de cette femme. Et je compte bien, une fois rétablie et en état de reprendre la route, la mener jusqu'en mes terres aux confins de Belombreuse. Considérez dès maintenant qu'elle fait partie du voyage. En attendant, occupez-vous. Mêlez-vous à ces paysans, rendez-vous utiles. Je ne sais pas, moi... participez aux semailles puisque c'est la saison, ou apprenez auprès d'eux à tondre les moutons. » Tout en disant cela, le seigneur esquissa un léger sourire : il ne connaissait que trop la réaction de ses hommes. Celle-ci d'ailleurs fut instantanée : «  Nous sommes des chevaliers, pas des paysans », répondit l'Ours. C'est alors que Mordrain, s'attardant un moment sur les formes prometteuses d'une jeunesse du cru qui passait non loin d'eux, crut bon d'ajouter : «  Les semailles et les moutons ? Pourquoi pas ? Cela peut-être utile de les apprendre pour la gestion future de nos domaines. » A ces mots, Guilhem, une lueur de malice au fond de ses yeux clairs, les quitta pour partir à la recherche de Balain.

L'hospitalité de ces gens était chez eux une qualité innée. Ils n'eurent de cesse de le prouver à leurs hôtes, et tout particulièrement leur chef, dont ils partagèrent quelques jours durant le très humble logis ainsi que le non moins modeste brouet qu'il leur servait quotidiennement, au grand désespoir de l'Ours et du Balafré. Comme Guilhem l'avait pressenti, Mordrain avait depuis longtemps jeté aux orties ce genre de considérations, occupé qu'il l'était à lutiner la fille unique de Balain, une beauté d'un genre particulier, dont la blondeur et la lourdeur de ses seins, malgré ses guenilles, pouvait effectivement présenter quelques appâts. Ses deux autres compagnons en avaient pris leur parti et s'étaient finalement résignés, bon gré, mal gré, à prêter main forte aux paysans qui les avaient si bien accueillis. Et l'Ours notamment se découvrait une dextérité jusque là insoupçonnée dans la tonte des moutons que, coutelas à la main, il délestait illico de leur lourde toison de laine chargée de paille et de suin, au grand bonheur des villageois qui ne se lassaient pas d'un tel spectacle.

Ce ne fut qu'au bout de trois jours que Guilhem rendit de nouveau visite à la femme. Il la trouva changée : ses yeux noirs ne reflétaient plus l'angoisse, mais la résignation. Son traumatisme était encore présent, mais elle pouvait de nouveau communiquer avec les autres. Elle lui parut encore plus belle qu'au premier jour. Elle le reçut assise sur le bord de la paillasse où elle avait reposé et, devinant à son regard qu'il était le bienvenu, il n'hésita pas à venir auprès d'elle pour lui parler. « Tu sembles te porter beaucoup mieux, s'enquit-il. Apparemment, les soins que t'a prodigué la vieille femme te conviennent. » Elle leva vers lui ses yeux de biche affolée : «  Oui, Messire, je vais déjà mieux.
_ Alors, je peux désormais me présenter sans que tu cherches à me fuir comme si j'étais le Diable en personne. Je suis le comte Guilhem de Belombreuse, troisième du nom. » Lorsqu'il eut prononcé ces mots, il lui sembla que l'effroi reprenait possession de ces yeux sombres qui le regardaient fixement. Aussi ajouta-t-il aussitôt : «  Ne sois pas effrayée par mes titres, considère simplement que ce ne sont pour l'instant que des mots et que, face à toi, je suis un homme comme les autres. Maintenant, j'aimerais connaître ton nom. » La jeune femme se reprit avant de lui répondre : « Mes parents m'ont donné le nom de Claire, et je suis fille de bûcheron. » Puis elle ajouta : « Pourquoi, Messire, faites-vous tout ça pour moi ? » Guilhem s'attendait à cette question. «  Pourquoi fais-je tout ça ? répondit-il. Je serais tenté de te dire que c'est pour me racheter...
_ Pour vous racheter de quoi ?
_ De tous les viols auxquels j'ai pu assister ces dernières années sans pouvoir intervenir, sans pouvoir même dire quoi que ce soit, je suppose. » Elle le dévisagea alors comme si elle venait de le voir pour la première fois. Il était tellement différent des autres. Cela la perturbait. Guilhem lui sourit avant de lui dire : « J'ai une femme qui m'attend en mon château. Je la connais à peine, mais des années de séparation n'ont pu venir à bout de mon désir d'elle. Je suis sur qu'elle approuverait ce que je fais. Et puis ne peut-on donner sans exiger quelque chose en échange ? N'est-il pas possible d'envisager un acte qui serait purement gratuit ? » Ce qu'il lui disait en cet instant était pour elle inconcevable. Il poursuivit :  «  J'ai pris la décision de t'emmener avec moi jusqu'à Belombreuse. Une fois là-bas, tu pourras vivre décemment et faire ce qu'il te plaira. Je m'y engage. Mais auparavant je veux recueillir ton assentiment. » Claire allait de surprise en surprise. C'est d'une voix mal assurée qu'elle lui répondit : « Je suis prête à vous suivre où vous voudrez, Messire. » De toutes façons, elle n'avait plus de famille depuis longtemps, et nulle part où aller.

Après un peu plus d'une semaine, ils reprirent la route, salués par l'ensemble des villageois qui s'étaient regroupés à la sortie de leur bourg pour leur faire leurs adieux. Héberger de tels hôtes était un événement qui ne risquait pas de se reproduire de sitôt. Claire montait en croupe derrière son sauveur et maître. Elle n'aurait de toutes façons accepté de partager la monture de personne d'autre que lui. Ce qui fit qu'ils eurent l'occasion de se parler maintes fois durant le voyage, et apprirent ainsi beaucoup l'un sur l'autre. Derrière eux, à quelque distance, les trois chevaliers caracolaient ensemble, et les ragots allaient bon train. Ce fut l'Ours qui commença : « Qui l'eut cru ? Notre seigneur en compagnie d'une femme du peuple. J'ai vu bien des choses durant ma vie de chevalier. Mais ça, j'étais loin de m'y attendre.
_ Et alors ? réagit Mordrain. Peut-être a-t-il l'intention de la sauter, au final? Femme du peuple ou pas, elle n'est pas si mal que ça, après tout. » Gahériet s'emporta, et les cicatrices qui couturaient sa face se déformèrent, l'enlaidissant encore plus : « Qu'est-ce que tu racontes ? Je connais mon suzerain bien mieux que vous deux. Et je peux te dire que ce genre de choses ne l'intéresse pas. Depuis notre départ pour la croisade, il ne jure que par sa jeune épouse.
_ Et bien, intervint Mordrain, ce n'est surement pas le cas de son frère Eudes. Lui, il sait ce que vaut la présence d'une maîtresse.
_Et Hernaut ? renchérit l'Ours. Vingt-cinq ans et toujours pas casé. Et il ne se refuse rien. D'ailleurs, qu'il soit marié ou pas ne changerait sans doute pas grand chose à sa façon de vivre.
_ Tu te rappelles, l'Ours, intervint de nouveau Mordrain, de cette fille qui le suivait partout, à Jérusalem ?
_ Ah, oui, répondit l'intéressé. Je vois de qui tu veux parler : de cette putain qui avait un grain de beauté sur un de ses seins.
_ Mais non, rétorqua Mordrain, élevant la voix, c'est pas sur les seins qu'elle l'avait, c'est sur le...
_ Ca suffit ! » interrompit brusquement Guilhem, qu'ils venaient de rattraper, et qui avait entendu leurs dernières phrases, prononcées sur un ton plus élevé qu'ils ne l'auraient voulu. Ils avaient atteint la Drôme, et il était temps pour eux, à la moitié du jour, de faire halte. « Nous allons nous arrêter quelque temps au bord de cette rivière », ordonna le seigneur. Ses hommes descendirent de cheval, trop heureux de la présence de ce cours d'eau qui, outre d'abreuver leurs montures, leur permettrait de se délasser un peu. Guilhem fit descendre à son tour sa compagne de voyage, et s'éloigna avec elle pour rejoindre l'ombre d'un vieux saule, devant lequel s'étalait une plage de graviers. Ses trois hommes, déjà hors de vue, ignorant la pudeur, s'étaient entièrement dévêtus pour plonger dans le lit de la rivière, à grands renfort de clameurs et d'éclaboussures. Il fit asseoir Claire sur un vieux tronc d'arbre flotté que le courant, dans un moment impétueux, avait déposé là. « Excuse leurs manières un peu frustres, lui dit-il. Sous leur dehors rudes, ce sont d'excellents hommes, tu peux me croire. Ils sont forts en gueule, c'est tout...
_ Ne les excuse pas. Je n'ai confiance qu'en toi.
_ Il faudra alors que je t'apprenne à apprécier ce que vaut réellement un homme », fit Guilhem, songeur. Puis il reprit : « En parlant de confiance, il y a quelque chose pour laquelle je voudrais que tu t'engages envers moi.
_ Pour vous, mon seigneur, je donnerai même ma vie.
_ Par le sang du Christ ! Je ne t'en demande pas tant. Non, il s'agit juste de, au cas où il m'arriverait malheur.... » Elle l'interrompit : « S'il vous advenait quelque mal, je crois que je ne m'en remettrai pas. 
_ Il le faudra bien, ma belle. Il te faudra surmonter cette épreuve. Fais-le pour moi, je t'en conjure. Je t'explique pourquoi : j'ai en ma possession un parchemin qui est, pour beaucoup, plus précieux que ma vie. Si, par hasard, je me trouvais dans l'impossibilité de le faire, il te faudra l'acheminer jusqu'à Fiercastel, et le remettre à mon frère Eudes . Tu entends ?
_ Oui, mon seigneur. Chacune de vos paroles restera gravée en moi.
_ Bien. Donc, je te montrerai où il se trouve, et tu feras exactement ce que je te dirai.
_ Je le ferai, sans nul doute. Mais pourquoi me confier cette tâche à moi, et pas à l'un de vos chevaliers ?
_ Tout simplement parce que tu es une femme, et je suis prêt à gager que ceux qui sont à la recherche de cet objet ne penseront jamais qu'il a été confié à une femme. Et de surcroit, qui irait soupçonner une fille de bûcheron? »

Ce fut seulement vers la tombée du jour qu'ils atteignirent la bourgade de Crest. Adossé à une colline, son donjon la dominait comme témoin de la puissance du seigneur des lieux. Et un bouquet de maisons s'étalaient à ses pieds, serrées les unes contre les autres pour mieux se protéger. Guilhem mena son petit groupe jusqu'à la première porte insérée dans les remparts, et ils passèrent la nuit dans cette enceinte fortifiée.

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