C'était
un petit matin d'été ardennais tout envahi de rosée et de
fraîcheur et la forêt profonde résonnait de chants d'oiseaux qui
retombaient en cascades jusqu'au pied des hêtres moussus de la forêt
d'origine. Eudes négociait depuis quelque temps déjà avec le plus
jeune de ses frères, Ascelin, lequel avait fait seller par La
Belette trois robustes montures équipées de tout l'attirail dont
ils avaient besoin pour mener une nouvelle expédition.
« Croix-moi, Eudes,
disait Ascelin. La jeune femme à laquelle tu me proposes de lier mon
nom et celui de notre famille ne manque pas d'attrait à mes yeux.
Mais j'ai beaucoup réfléchi à tout cela et je ne pense pas être
encore mur pour cette union. Des chemins nous attendent quelque part,
La Belette et moi-même. Nous devons répondre à leur appel, tel est
notre destin. »
_ Dommage, rétorqua
Eudes, dubitatif. J'ai cru un instant que j'avais trouvé vraiment
la personne qu'il te fallait. Te rends-tu compte au moins de ce que
tout ton refus implique à long terme ?
_ Je sais, répondit
Ascelin en prenant une mine boudeuse d'enfant têtu, comme par hasard
étrangement semblable à celle que son futur écuyer savait si bien
prendre, lui. La recherche presque impossible de quelques arpents de
terre à cultiver et à protéger des brigands pour me constituer un
petit domaine ou bien la vie errante du chevalier qui cherche
aventure sur les routes. »
« Je
vois que tu es conscient du problème. Jeune fou comme d'habitude,
mais conscient quand même. Enfin, si tel est ton choix.... »
Leur conversation fut
interrompue subitement par l'arrivée subite de Mordrain, lui aussi
équipé pour faire la route, et flanqué du moine milanais
qu'apparemment il avait décidé d'accompagner.
« Toi
aussi Mordrain, tu as décidé de partir à l'aventure ? »
demanda Eudes, à peine étonné. « Je pensais que tu avais
trouvé enfin la personne qui te retiendrait sur nos terres »,
faisant par -là allusion à Claire, laquelle s'était installée au
couvent des moniales situé un peu en amont de Fiercastel, et qui
avait été chargée de veiller sur le manuscrit et ses copies. »
« Claire m'a
confiée la délicate mission de raccompagner le prêtre ici présent
jusqu'à Milan, » s'expliqua Mordrain. « Je suis toujours
son serviteur dévoué », ajouta-t-il en désignant le ruban
mauve qui ornait toujours son bras droit. « Et sur le chemin du
retour, j'irai déposer quelques copies au sein du réseau des frères
illuminés... « Je sais tout cela, » coupa Eudes, qui
pour tout dire était avec la Comtesse Mathie à l'origine de cette
idée. « Vous allez donc voyager de concert, Ascelin et
toi ?
_Bien
sur, Seigneur Eudes. Mordrain fit glisser la lame de son épée de
son baudrier comme pour confirmer ses dires. Puis il la rangea de
nouveau.
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